Activité 10
Performance agronomique, résilience et qualité boulangère de mélanges de cultivars de blé adaptés à la gestion biologique dans l’Est du Canada
En agriculture, le défi des prochaines années consiste à augmenter la production d’aliments et à diminuer simultanément l’utilisation d’intrants et de produits toxiques, tout en avantageant les écosystèmes. L’agriculture moderne est basée sur les hauts rendements, soutenus par l’amélioration génétique des plantes, la monoculture et l’utilisation intensive de produits chimiques, qui mènent à une homogénéisation des cultures et des systèmes. Quand des paramètres tels que la maturité, la qualité et la hauteur des plantes sont uniformes, la récolte, la commercialisation et la préparation des céréales en sont facilitées. Ces dernières décennies, la monoculture variétale s’est répandue dans le monde, entraînant une perte de diversité génétique dans les champs. Cette perte de diversité a à son tour des répercussions, comme la propagation éclair des maladies et des parasites, qui requiert l’application de pesticides synthétiques à grande échelle, avec les effets secondaires néfastes que cela implique. L’utilisation des pesticides de synthèse est interdite en agriculture biologique, où ces effets néfastes n’existent pas ou pratiquement pas. L’agriculture biologique préconise et favorise la biodiversité dans les écosystèmes agricoles, lesquels s’en trouvent plus durables, et beaucoup d’efforts ont été consacrés à la recherche sur le sujet. Depuis peu, un nombre croissant de recherches démontre la valeur ajoutée de la diversité génétique intraspécifique lorsqu’il s’agit d’améliorer la stabilité et la fonction des écosystèmes (Crutsinger et coll., 2006; Schöb et coll., 2015). De plus, récemment, le climat est devenu instable et s’est réchauffé; on observe des tendances mouvantes en matière de précipitations et des événements météorologiques extrêmes, comme les sécheresses ou les pluies causant des inondations, plus fréquents sous l’effet du changement climatique (Ouranos, 2015; Stott et coll., 2015). Par exemple, d’après le site Web de la NASA sur le changement climatique mondial (NASA, 2017), les mois de juillet 2016 et 2017 étaient les plus chauds des 137 dernières années. On observe également que la répartition géographique de certaines maladies et certains parasites s’étend, tandis que de nouvelles maladies apparaissent, exacerbant les problèmes de lutte contre les ennemis des cultures (INRA, 2015). Lorsque les plantes ont une génétique peu diversifiée, un type de culture ou de cultivar peut être décimé, certaines années, surtout lors d’épisodes de maladie. Un patrimoine génétique plus riche confère davantage de résilience aux systèmes culturaux et d’adaptabilité face aux stress biotiques et abiotiques.
Au cours des dernières décennies, la diversité génétique dans le secteur céréalier a diminué principalement à cause de l’utilisation intensive de monocultures variétales et de variétés de blé modernes à base génétique étroite (Fu et Dong, 2015). Les mélanges de variétés offrent une alternative à la monoculture variétale, et permettent de réduire l’utilisation des pesticides (De Valavieille-Pope et coll., 2005). Cela les rend intéressants pour la production biologique. Toujours au chapitre des avantages, la littérature fait état de stabilité du rendement, d’une meilleure performance en conditions de stress, telles les attaques d’insectes et les éclosions de maladies, et d’une utilisation plus efficiente des ressources environnementales (Campbell et coll., 1991; Sapoukina et coll., 2013; Tooker et Frank, 2012). La compétitivité du blé sera donc accrue par l’amélioration de la productivité et de la stabilité de la production et une plus grande résilience dans des conditions climatiques extrêmes.
Le climat et les maladies de l’Est sont très différents de ce qui existe ailleurs, avec une forte pression de la fusariose de l’épi. Or, des études ont mis en évidence que les concentrations de mycotoxines de Fusarium étaient plus faibles dans les céréales cultivées en régie biologique comparativement aux céréales en régie conventionnelle (Bernhoft et coll., 2010; Birzele et coll., 2002; Edwards, 2009; Gottschalk et coll., 2009; Meister, 2009). Les raisons expliquant cette contamination inférieure ne sont pas encore comprises, mais il a été avancé qu’elle serait attribuable aux diverses pratiques agricoles qui distinguent les deux modes de gestion (Bernhoft et coll., 2010; Edwards, 2009). De plus, le climat de l’Est comporte des variations imprévisibles d’année en année, et il est très propice aux agents pathogènes causant des taches sur les feuilles, aux maladies des tiges (piétin-échaudage et piétin-verse), au développement d’insectes (moucheron et mouche de Hesse), parfois au virus de la jaunisse nanisante de l’orge (VJNO), et à tout l’éventail des rouilles, y compris la rouille jaune du blé (Puccinia striiformis f.sp. tritici), qui s’est manifestée en 2013, puis est devenue épidémique dans certaines parties du Québec en 2017. Le défi consistera donc à trouver des composantes qui se comportent bien pour tous les traits (agronomiques, phytosanitaires et qualitatifs) dans les conditions de l’Est. Ces composantes seront difficilement trouvables en dehors des variétés enregistrées, car la plupart des blés canadiens ne résistent pas à la fusariose de l’épi au Québec. Par conséquent, nous prévoyons nous cantonner aux variétés québécoises enregistrées, à moins que des lignées en voie d’enregistrement présentent un intérêt évident.
Le présent projet évaluera les qualités agronomiques et boulangères de cultivars de blé cultivés en mélanges à l’aune de leur adaptation à la gestion biologique dans l’Est du Canada. Nous choisirons trois variétés de blé très connues (à maturités précoce, intermédiaire et tardive) en tant que témoins pour comparer des mélanges à deux, trois et quatre composantes. Du début de l’activité à la troisième année, les variétés seules et les mélanges seront évalués dans de petites parcelles expérimentales de 3,5 m² selon un schéma de blocs aléatoires complets avec trois répétitions. À partir de la troisième année, notre partenaire de l’industrie procédera à des essais de panification avec des variétés non mélangées et avec des mélanges de cultivars, et la taille des parcelles sera étendue à 10 m². Les expériences auront lieu dans deux régions, soit le Centre-du-Québec et la Montérégie. Le résultat final du projet est l’accès, pour les fermiers de l’Est, à une palette de mélanges de variétés adaptés à l’agriculture biologique et à leurs conditions climatiques.
Résumés des rapports de recherche [PDF 4.85 MB]