Soutenir la croissance des jeunes arbres dans les vergers biologiques
Deux écologistes du sol passionnées en Colombie-Britannique
Centre d’agriculture biologique du Canada
Quand elle a déménagé de la Saskatchewan vers la Colombie-Britannique il y huit ans, Louise Nelson a transporté dans ses valises plus de cent souches de bactéries du sol qu’elle voulait tester pour combattre la maladie de la replantation, une maladie qui affecte les jeunes arbres plantés dans les blocs des vergers où prévalent les vieux pommiers.
La maladie de la replantation survient partout dans le monde, mais les causes de ce problème ne sont pas encore bien comprises. Lorsque les producteurs arrachent les vieux arbres et replantent de nouvelles variétés dans leur verger, les nouveaux arbres ne réussissent pas toujours à se développer. Certaines explications sont proposées, par exemple le fait que, lorsqu’une même espèce est cultivée au même endroit pendant une longue période de temps, une population de pathogènes du sol se développe et affecte négativement les nouveaux plants.
Gerry Nielsen, un chercheur d’AAC du Centre de recherches agroalimentaires du Pacifique de Summerland, a montré que les arbres replantés réagissent bien à l’ajout de phosphore. Étant donné l’importance du phosphore dans l’implantation des jeunes arbres, Louise Nelson et d’autres chercheurs mettent l’accent sur l’amélioration de la disponibilité du phosphore dans les systèmes de production biologique où les sources synthétiques ne peuvent être appliquées.
L’approche de Nelson, qui est microbiologiste, est d’utiliser des bactéries du sol qui peuvent solubiliser efficacement le phosphore et le rendre assimilable pour les plantes. Nelson et Neilsen, assistés par l’étudiante à la maîtrise Molly Thurston, ont testé leur imposante collection de bactéries du sol de la Saskatchewan en laboratoire et en serre afin d’établir quelles souches solubilisent le mieux le phosphore. Les cinq souches les plus efficaces sont actuellement soumises à des essais en serre et sur des fermes certifiées biologiques de la vallée de l’Okanagan.
Leur projet de recherche, l’une des trente activités de la Grappe scientifique biologique, est certainement en accord avec les principes et les besoins en production de fruits de verger biologiques. En production biologique, la roche phosphatée est probablement la source de phosphore la plus répandue, mais le phosphore provenant de cette source n’est pas facilement assimilable par les plantes. Les bactéries du sol solubilisatrices du phosphore (P) inoculées avec les jeunes arbres lors de la plantation pourraient jouer un rôle vital dans l’amélioration de la croissance des arbres au temps de la replantation dans les vergers biologiques.
Les essais du projet se poursuivent au champ. Au printemps dernier, de jeunes arbres ont été inoculés avec des bactéries solubilisatrices de P sur deux sites de la vallée de l’Okanagan. Une seconde inoculation est planifiée ce printemps.
«L’action se déroule dans les zones autour des racines, là où peuvent se trouver des microorganismes bénéfiques mais également des pathogènes; c’est là que nous devons maintenir l’équilibre » dit Louise Nelson. «Une grande partie de ma carrière a été consacrée à l’utilisation des microorganismes du sol pour stimuler la croissance des plantes et les incorporer dans des pratiques plus durables. L’agriculture biologique se marie parfaitement à mes intérêts car nous avons besoin de chercher des pratiques plus durables pour continuer à être productifs en agriculture. »
Louise Nelson s’y connait sûrement en bactéries du sol; elle a étudié la microbiologie à l’Université Western Ontario, poursuivi ses études doctorales en bactéries du sol arctique à l’Université de Calgary et fait du travail postdoctoral sur le campus McDonald de l’Université McGill et à l’Université Oxford en Angleterre. En Saskatchewan, elle a travaillé au Conseil national de recherches Canada, chez Agrium Inc et à l’Université de Saskatchewan, y étudiant les bactéries symbiotiques fixatrices d’azote et les autres bactéries qui favorisent la croissance des plantes. Elle est aujourd’hui professeure, chercheuse et doyenne associée de la recherche à l’École des Arts et Sciences Irving K.Barber de l’Université de la Colombie-Britannique – Campus de l’Okanagan.
En C.-B., Nelson s’est orientée vers les cultures horticoles, plus particulièrement l’industrie des fruits de verger, où elle fait équipe avec le Dr Gerry Nielsen et supervise le travail de Molly Thurston, une étudiante à la maîtrise convaincue que la gestion des sols est à la base de l’agriculture biologique.
Thurston a observé des variations dans les capacités de solubilisation du P des bactéries qu’elle a analysées; mais elle a été capable d’identifier les plus prometteuses à utiliser dans les essais de replantation d’arbres de verger avec « Nicola », la nouvelle variété qui a été développée par le programme de sélection du Centre de recherches agroalimentaires du Pacifique.
« Comme le phosphore peut être un facteur limitant, nous tentons d’améliorer l’efficacité de l’assimilation du phosphore depuis la riche phosphatée, la farine d’os et le compost dans le but de fournir du P soluble au système racinaire des jeunes arbres » dit Thurston, qui a fait son baccalauréat à l’Université de Guelph, où elle a assisté au premier cours en agriculture biologique qui y fut offert en 2003.
Thurston est également employée comme conseillère agricole à la Okanagan Tree Fruit Cooperative, où elle est heureuse de donner des conseils et guider les producteurs de fruits de verger. Née dans la vallée de l’Okanagan et étant elle-même une agricultrice biologique, Thurston croit que des rendements similaires à ceux des vergers conventionnels peuvent être obtenus dans les vergers biologiques, bien que la production biologique requière davantage de main-d’œuvre, car les outils chimiques disponibles en production conventionnelle ne peuvent pas y être utilisés.
« Nous avons notre juste part d’insectes nuisibles en C.-B., tout comme dans les autres régions du pays, mais cultiver des pommes biologiques est certainement réalisable sans être trop compliqué lorsque vous avez les bons outils pour gérer les problèmes qui surgissent! » confirme Thurston, qui ajoute que le climat sec de la vallée de l’Okanagan aide à prévenir les maladies fongiques.
Louise Nelson et Molly Thurston sont enthousiastes face aux progrès de leur projet. Elles continuent de mesurer les effets des bactéries solubilisatrices de P au laboratoire, dans les serres et au champ. Dans ses temps libres, Louise Nelson aime jardiner, cuisiner, faire du pain et lire les romans des auteures canadiennes. Molly apprécie aussi la lecture et aime courir sur des sentiers et dans les forêts qui entourent la vallée. Étant aussi une productrice biologique, Thurston a le sentiment que sa recherche est opportune et pertinemment liée aux défis de la replantation auxquels font face les producteurs de fruits de verger; le but de Nelson et Thurston est de surmonter ce défi avec des solutions écologiques.
Cet article a été rédigé par Nicole Boudreau, Fédération biologique du Canada, pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le CABC, la Fédération biologique du Canada et les partenaires de l’industrie.