Avez‑vous mangé de l'avoine au petit déjeuner ce matin?
Peut-être qu’il s’agissait d’une variété d'avoine conçue par Jennifer Mitchell Fetch
Centre d’agriculture biologique du Canada
Jennifer Mitchell Fetch sait croiser différentes lignées d'avoine: l’appariement du pollen des anthères mâles d'une plante avec l'ovaire camouflé dans le pistil d'une plante femelle est une pratique courante de son travail. Étant chercheuse à Agriculture et Agroalimentaire Canada depuis 1998, elle a été impliquée dans la création de huit variétés d’avoine commercialisées au Canada, en sélectionnant et combinant les caractéristiques recherchées de diverses variétés d'avoine pour former des variétés productives sous le climat canadien.
Jennifer Mitchell Fetch a étudié la sélection des plantes à l’Université du Dakota du Nord où elle a complété son doctorat en 1989 ; sa thèse portait sur le croisement de lin oléagineux hautement productif avec une variété de lin riche en paille de lin pour l’obtention d’un hybride intégrant les meilleures caractéristiques de ces deux lignées.
"Vous prenez le pollen des anthères de la plante donneuse que vous saupoudrez sur le stigmate de la plante réceptrice et vous espérez obtenir une graine. Ensuite, vous cultivez ces graines sur le terrain et observez les générations présentant une ségrégation des caractères que vous souhaitez combiner. Vous pouvez identifier les différents caractères par l'analyse de l’ADN, mais à ce jour il n'y a pas suffisamment de marqueurs disponibles pour l'avoine. Pour le moment, il est préférable de semer et d’identifier les plantes qui portent la combinaison des meilleurs caractères. Nous essayons de sélectionner les plantes qui affichent les caractères que nous pouvons observer sur le terrain et récoltons les graines de ces plantes. Lorsque nous avons plus de graines, nous pouvons tester les lignées sous divers environnements et la lignée qui performe le mieux dans n'importe quel environnement, ou dans plusieurs environnements différents, est celle que nous allons continuer à développer pour créer, espérons-le, une variété."
Il ya quelques années, les producteurs biologiques se sont inquiétés que tous les cultivars enregistrés pour la production commerciale au Canada aient été développés sous régie agricole conventionnelle, et ils croyaient que cela ferait une différence si les lignées étaient développées et sélectionnées sous régie biologique. Et Jennifer Mitchell Fetch tente aujourd’hui de répondre à cette question. Les premières expériences de sélection d'avoine faites sous régie biologique ont débuté en 2003 avec quelques populations cultivées sur des terres biologiques à l'Université du Manitoba et se sont lentement étendues en superficie, les pépinières d'avoine biologique et d'essais de rendement étant maintenant cultivées sur le projet de rotation à long terme à Glenlea.
"Nous n'avons pas encore répondu à la question ; il ya des indications que les lignées qui fonctionnent bien dans de nombreux environnements différents pourraient faire mieux sous des conditions biologiques, mais je ne peux pas formuler de conclusions définitives, seulement des rapports anecdotiques. J'ai trois lignées qui ont été développées et testées sous régie biologique et qui sont actuellement testées sous régie conventionnelle dans un essai d'enregistrement des variétés dans l'Ouest canadien. L’analyse des données révèle que l'une de ces lignées produit le sixième rendement le plus élevé dans l'Ouest canadien, mais ce sont les résultats d’une seule année d’essais. Il faudra réexaminer ces résultats l'année prochaine. Si la lignée fonctionne toujours aussi bien dans l’essai d’enregistrement, il sera possible d’en promouvoir l'enregistrement en février 2013."
Elle se réjouit du développement de la production biologique qui pourrait devenir un secteur important du système de production canadien. La bonne intendance des terres et un meilleur environnement sont des enjeux qu’elle soutient. Elle commente que certaines lignées semblent mieux performer sous régie biologique ; elle tente depuis 3 à 4 ans de comparer les productions des sites biologiques et conventionnels, mais ces sites sont séparés géographiquement et influencés par des conditions environnementales locales. Sans une comparaison côte à côte, il est difficile d'obtenir des résultats clairs. Il demeure ardu, voire impossible, de trouver des sites biologiques et conventionnels dans le même voisinage.
Mais Jennifer est curieuse et aime chercher des réponses aux questions soulevées sur ce qu'elle observe ou provenant d’autres personnes. La tendance actuelle est de coopérer étroitement avec l'industrie et de réussir à obtenir du financement de l'industrie pour financer la recherche. Cela permet que les résultats de son travail soient plus souvent commercialisés, ce qui est bon pour la chaîne de valeur. Mais comme un programme de sélection dure au moins dix ans, elle espère que les projets à moyen et long terme continueront d'être soutenus, malgré la visée à court terme souvent privilégiée par l'industrie.
Jennifer Mitchell Fetch ne pense pas que le génie génétique remplacera le croisement et la sélection des plantes; des traits spécifiques peuvent être développés grâce à la biotechnologie, mais l’intervention d’un sélectionneur sera nécessaire pour insérer les nouveaux caractères dans une lignée ou un cultivar adéquats et assurer que ces traits soient exprimés et sélectionnés dans le processus du développement de ces lignées en vue de leur enregistrement éventuel comme cultivar.
Outre la création de cultivars, Jennifer aime les travaux d'artisanat tels que le crochet, le scrapbooking, la création de bijoux et elle s’implique dans sa communauté ecclésiale. Mais sa carrière demeure une partie très importante de sa vie. Elle est l'épouse de Tom Fetch, un autre chercheur d'AAC (un pathologiste spécialiste de la rouille de la tige des céréales). Et elle a certainement beaucoup de travail à faire depuis qu'elle a découvert en tant que jeune adulte sa passion pour l'agronomie et sur les moyens de nourrir le monde lors d’ un emploi d'été dans la station de recherche de Swift Current, en Saskatchewan, où elle a grandi.
La production d'avoine demeure importante au Canada. L'avoine est une culture de saison fraîche qui pousse bien au Canada. Le coût du transport de l'avoine vers les usines situées dans l'Iowa et le Minnesota est abordable. Et comme la production d'avoine a chuté aux États-Unis en raison de divers facteurs, incluant l’implantation du Farm Bill qui a encouragé la production de maïs et de soja, le marché demeure intéressant pour l'avoine canadienne, qui compose le gruau du petit déjeuner, est inclus dans les barres alimentaires, biscuits, boulettes de viande et divers produits alimentaires transformés, et constitue un aliment de base pour les chevaux et autres animaux. Une entreprise du Manitoba fait également la commercialisation du riz d'avoine, un produit pouvant être utilisé comme plat d'accompagnement.
Quand elle prendra sa retraite, Jennifer Mitchell Fetch aimerait être en mesure de faire le bilan de sa carrière et de constater que les cultivars qu’elle a contribué à développer ont été largement cultivés, utilisés dans beaucoup de produits alimentaires et que la santé des consommateurs en fut améliorée.
Alors, si quelqu’un veut discuter d'avoine, elle est plus que disposée à parler avec cette personne.
Cet article a été rédigé par Nicole Boudreau, Fédération biologique du Canada, pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le CABC, la Fédération biologique du Canada et les partenaires de l’industrie.