Méthodes agricoles biologiques améliorent la matière organique du sol
Centre d'agriculture biologique du Canada
Les pays membres de l’Union européenne, assujettis à la politique agricole commune, font des « paiements verts » directs aux agriculteurs biologiques ou aux agriculteurs en transition vers le système agricole biologique. La philosophie générale qui sous-tend ces paiements considère que les agriculteurs biologiques offrent un service à l’environnement de leur pays. Au Canada, d’autre part, où les recherches à l’appui de l’agriculture biologique ne sont pas autant exhaustives que celles de l’Europe, les décideurs considèrent la tendance biologique comme une solution qui donne suite aux préoccupations environnementales actuelles et une méthode qui permet aux agriculteurs d’accéder à un marché profitable régi par des consommateurs soucieux de leur santé. Par conséquent, il n’existe que très peu d’initiatives financées par le gouvernement fédéral pour les agriculteurs qui considèrent difficile sur le plan économique la transition de trois ans vers la certification biologique et les conséquences en sont ressenties non seulement par les agriculteurs canadiens mais aussi par le reste de la population canadienne.
En réponse et en vue d’influencer les décideurs canadiens, le Dr Derek Lynch du Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse a publié un document convaincant, Incidence de l’agriculture biologique sur l’environnement : une perspective canadienne, qui compile la recherche nord-américaine sur l’agriculture biologique. Étant donné que la communauté industrielle travaille d'arrache-pied pour compenser les émissions de gaz carbonique à l’aide du piégeage du carbone, la partie du document qui examine le rôle des matières organiques et la santé des sols dans la séquestration du carbone organique s’avère particulièrement opportune. Il suggère que les sols agricoles biologiques à contenu de matière organique du sol élevé et à substrat diversifié sont plus susceptibles de piéger et de conserver le carbone que les sols des systèmes qui font l’objet d’une gestion conventionnelle. S’avère également convaincante la supposition que les niveaux de matière organique plus élevés associés à la gestion biologique contribuent à la stabilité du rendement des cultures et à la résilience de la production et, plus particulièrement, parce que les agriculteurs sont aux prises avec des conditions environnementales défavorables associées au réchauffement planétaire.
La santé des sols peut être mesurée en fonction de la richesse et de la diversité de sa communauté biologique. Lynch invoque deux études du Canada atlantique et de l’Université du Manitoba qui montrent que les sols faisant l’objet d’une gestion biologique hébergent des populations plus importantes de lombrics, de masses microbiennes et d’espèces mycorhiziennes que les sols faisant l’objet d’une gestion conventionnelle. Lynch a également constaté que la capacité du sol de piéger et de conserver le carbone est le résultat direct de cette santé et cette diversité accrues. Cependant, à travers l’histoire, l’agriculture biologique qui dépend du labour mécanique pour le désherbage et l’incorporation des engrais verts au sol fait l’objet de critiques parce qu’ils contribuent à la perte du carbone dans les sols. Lynch présente toutefois plusieurs études convaincantes dont les conclusions donnent à penser le contraire.
Il cite en exemple une étude de neuf ans, réalisée par USDA-ARS à Beltsville au Maryland, qui compare les effets des systèmes de gestion des concentrations totales de carbone et d’azote dans les sols. Chose assez intéressante, l’étude a constaté une meilleure productivité résultant des concentrations de carbone et d’azote (de 19 % et 23 % plus importantes, respectivement) dans les systèmes biologiques qui utilisaient des cultures-abris, du fumier animal et le sarclage mécanique pour le désherbage que dans les systèmes de culture conventionnelle sans travail du sol et de culture à faibles intrants. Ces résultats correspondent aux résultats d’une étude de sept ans, réalisée au Michigan, qui comparait l’effet des systèmes de gestion des grains sur les concentrations de carbone et d’azote. Cette étude a également constaté une amélioration du carbone et de l’azote dans les sols dans le système de gestion biologique.
Lynch suggère également que l’amélioration de la santé des sols et de la matière organique dans les systèmes de gestion biologique contribue à la stabilité du rendement de la culture et à la résilience de la production. Par exemple, après 13 ans de recherche, l’étude sur I'agroécosystème de la pomme de terre réalisée au Maine (Maine Potato Ecosystem Study) a conclu que les pommes de terre cultivées en rotation de deux ans dans des sols amendés avec du compost et de l’engrais vert étaient nettement moins atteintes par des conditions défavorables comme la sécheresse que les pommes de terre cultivées dans un système de culture conventionnelle. De même pour les essais comparatifs d’un système de production d’une durée de dix ans, menés au Rodale Institute Farming Systems Trial à Kutztown en Pennsylvanie, grâce auxquels on a pu déterminer que pendant cinq années de sécheresse, le rendement du maïs était supérieur dans les sols faisant l’objet d’une gestion biologique et qu’il affichait, en passant, les plus hautes concentrations de matière organique dans les sols.
L’examen de Dr Lynch affirme de façon convaincante que les niveaux améliorés de matière organique dans les sols et la diversité biologique faisant l’objet d’une gestion biologique donnent lieu à une résilience environnementale des systèmes agricoles, alliée à une capacité de piéger et de conserver des quantités considérables de carbone. À mesure que les décideurs canadiens affrontent les durs défis que pose la réduction des émissions de dioxyde de carbone, l’ensemble impressionnant des données probantes de Lynch à l’appui de l’agriculture biologique devrait être considéré comme une solution réaliste à un problème indéniable. Au cœur de la solution se trouvent les agriculteurs biologiques canadiens dont la contribution incontestable à la sûreté alimentaire et à la santé environnementale du pays devrait être généreusement appuyée pour le bien de tous les Canadiens.
Cet article a été rédigé par Tanya Brouwers pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le CABC, la Fédération biologique du Canada et les partenaires de l’industrie.
Le présent article constitue la partie 3 d’une série fondée sur la communication scientifique de 2009 de Derek Lynch, Incidence de l’agriculture biologique sur l’environnement : une perspective canadienne. Cliquez ici pour consulter les parties 1, 2 et 4.