Connaître ses ennemis : Les chercheurs canadiens aident les producteurs de moutons biologiques à comprendre les parasites
Centre d’agriculture biologique du Canada
Les moutons qui paissent dans un pâturage – une scène pastorale idyllique qui nous rappelle l’interdépendance des agro-systèmes. Lorsqu’ils paissent, les moutons comblent leurs besoins nutritionnels, tout en désherbant et fertilisant le pâturage. Cela représente un système synergétique : l’objectif de tous les producteurs biologiques. Mais en y regardant de plus près, on découvre que le système n’est pas si parfait.
La norme biologique canadienne requiert que les animaux d’élevage élevés sous régie biologique ne soient pas traités avec des produits tels que les antibiotiques et anthelminthiques, sauf lorsque la santé de l’animal est immédiatement menacée. L’animal traité doit être séparé du troupeau. De plus, la norme stipule que les herbivores doivent avoir accès au pâturage lorsque les conditions climatiques le permettent et qu’au moins 60% de la diète de l’herbivore soit composée de fourrage. Cependant, les herbivores sont vulnérables aux infections par les nématodes gastro-intestinaux (NGI) lorsqu’ils paissent dans les pâturages. Ces parasites nuisent au bien-être des animaux, diminuent les gains de poids et causent occasionnellement des maladies sévères et la mort. Les moutons sont particulièrement à risque d’infection par les NGI car ils ont tendance à paître ras le tissu de la plante, près de la surface du sol, là où se logent habituellement les parasites.
Face à ces défis, quelles stratégies doivent adopter les producteurs biologiques pour réduire les pertes par infection par les nématodes gastro-intestinaux? Ces stratégies sont aussi valables pour les producteurs conventionnels, non seulement pour limiter le risque de résistance aux anthelminthiques mais également pour réduire le coût des médicaments et de la main d’œuvre associé aux traitements chimiques.
Les chercheurs canadiens ont cerné le besoin de mieux comprendre les parasites NGI qui sont courants au Canada dans le but de développer des systèmes de gestion et des outils qui puissent aider les producteurs à élever des animaux sains sans recourir aux médicaments et pesticides synthétiques. Les conclusions de cette recherche ont été récemment publiées dans un article de Veterinary Parasitology intitulé “Prevalence and distribution of gastrointestinal nematodes on 32 organic and conventional sheep farms in Ontario and Quebec, Canada (2006-2008)”. Aucune recherche canadienne n’avait scruté sous tous ses angles la dynamique des NGI depuis trois décennies dans notre pays. Le principal auteur, America Mederos, explique « Il n’y a aucune solution simple pour contrôler efficacement les NGI indépendamment du type de système de production; donc, les études épidémiologiques sont cruciales pour l’étude ou l’implantation des mesures de contrôle de rechange proposées. » Autrement dit, dans le but d’implanter efficacement des stratégies de remplacement, telles que la gestion du pâturage, le pâturage alterné, la sélection génétique et l’amélioration de la qualité des aliments pour animaux, il faut approfondir nos connaissances sur les NGI.
Cette recherche s’est déroulée dans des opérations qui étaient certifiées biologiques, se conformaient à des pratiques et principes biologiques sans être certifiées, ou appliquaient des pratiques de gestion conventionnelle basées sur une utilisation minimale d’anthelminthiques. L’échantillonnage mensuel au cours de la saison de pâturage a permis aux chercheurs de suivre à la trace l’état corporel des animaux sujets de la recherche (brebis et agneaux), et les taux des parasites dans les pâturages et dans les échantillons fécaux. Des autopsies ont été pratiquées sur les agneaux provenant d’un sous-ensemble de fermes afin d’identifier avec précision les nématodes infectieux. En compilant ces données, les chercheurs avaient pour objectif d’identifier les périodes de pointe des infections et les espèces de nématodes infectieux les plus courantes.
Il fut observé que les brebis affichent les plus hauts tauxd’infections parasitaires au printemps (pendant les mois d’avril à juin), alors que les agneaux affichent les plus fortes infestations au cours des mois d’été (juillet-septembre), et que les taux dans les fourrages des pâturages atteignaient un sommet à la fin de l’été et en automne. Les auteurs attribuent l’infestation aigue chez les brebis à la baisse de l’immunité au cours de la gestation et de l’agnelage, alors que les hauts taux d’infestations par les NGI chez les agneaux découleraient de la contamination des pâturages qui survient lorsque les brebis infestées paissent au printemps. Fait à noter, les différences climatiques entre les deux provinces évaluées n’ont produit qu’une mince différence dans les modes d’infection. La recherche révèle aussi que les modes d’infection dans les fermes biologiques et conventionnelles ne différent pas.
Mederos explique que “Les principales espèces de NGI qui parasitent les moutons à travers le monde ont été recensées dans l’étude ». Les espèces les plus répandues étaient Teladorsagia sp et Trichostrongylus spp, ces deux espèces évaluées étant prédominantes dans les régions tempérées. Une espèce commune sous des climats chauds, Haemonchus contortus (aussi connue sous “Barber pole worm”) a aussi été découverte sur les fermes canadiennes en été. Les connaissances acquises dans d’autres régions peuvent donc potentiellement aider les agriculteurs canadiens à gérer ces espèces, maintenant qu’ils savent quelles espèces de parasites sont présentes.
Cette étude s’avère un excellent point de départ pour la recherche visant à aider les producteurs biologiques à gérer leurs moutons d’élevage et leurs pâturages; cependant, Mederos souligne que « la communication et la coopération entre les chercheurs, les agriculteurs et les vétérinaires est très importante et doit se poursuivre».
Rédigé par Joanna MacKenzie pour le CABC. Pour davantage d’information : 902-893-7256 ou oacc@dal.ca.
Affiché en decembre 2010